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des arts A. Malraux

Walker Evans, “ Salle de toilette dans la maison des Burroughs, comté de Hale, Alabama ”, 1936

Épreuve gélatino-argentique, 23,5 x 16,7 cm ; The J. Paul Getty Museum, Los Angeles, États-Unis

Walker Evans, Washroom in the Dog Run of the Burroughs Home, Hale County, Alabama, 1936 ; épreuve gélatino-argentique, 23,5 x 16,7 cm ; The J. Paul Getty Museum, Los Angeles, États-Unis

 

Walker Evans (1903-1975) est le chantre des plus démunis de la population américaine ; il est aussi (surtout ?) l’auteur d’une œuvre percutante, franche, sans faux-semblants, et profondément humaine.

En 1936, il prend congé des agences gouvernementales qui l’employaient pour documenter la situation des États ruraux du pays, dont la FSA (cf. Une histoire de la photographie # 12, Dorothéa Lange, Mère migrante, 1936). Il choisit d’accompagner l’écrivain et critique James Agee (1909-1955) chargé, par le magazine Fortune, d’enquêter sur la vie des métayers cueillant le coton aux États-Unis. Finalement, le magazine annule l’enquête mais le photographe et l’écrivain décident de collaborer à un projet plus ambitieux : en 1941, ils publient Louons maintenant les grands hommes – reportage sur 3 familles de métayers de l’Alabama (les métayers se voient confier le soin de cultiver la terre d’un propriétaire-bailleur en échange d’une partie de la récolte ; un système qui les emprisonne dans un véritable cycle de la pauvreté). D’un côté, la prose de James Agee dénonce avec rage les injustices observées. De l’autre côté, les photographies de Walker Evans composent une sobre élégie – reflétant son souhait de produire des images « lisibles, faisant autorité, transcendantes ». Les portraits d’individus et de groupes se mêlent à des clichés de cadre de vie des 3 familles.

La Salle de toilette dans la maison des Burroughs, comté de Hale, Alabama témoigne avec force de leur niveau de pauvreté : l’image est impeccablement cadrée et contrastée, d’une grande poésie, de telle sorte que l’on y reconnait l’odeur du lieu, la chaleur du jour… mais la pauvreté des ressources que se partage la famille (une table de fortune, un seau d’eau, une assiette, du savon, un petit miroir suspendu au mur, une serviette le tout se situant dans l’air de jeu réservée aux chiens), le dépouillement complet de la maison – que l’on perçoit dans l’entrebâillement de la porte à l’arrière-plan – laissent entrevoir une critique acerbe du sort des habitants de l’Amérique rurale, complètement négligés.

Notons que dès la naissance du Daguerréotype, les photographes s’intéressent aux minorités ethniques et aux communautés marginalisées : au début du XXe siècle, les photographes intéressés par le sujet ethnographique, choisissent de plus en plus de représenter les peuples dans leur environnement plutôt que de les mettre en scène dans des compositions soigneusement étudiées. Dans ce contexte, les reportages sur les classes ouvrières prennent une teneur sociale.

Cette photographie, réalisée par un photographe socialement engagé, montre à quel point la misère peut menacer la vie de famille (cf. Une histoire de la photographie # 12, Dorothéa Lange, Mère migrante, 1936). Plus tard, d’autres photographes s’intéresseront, de manière plus satirique, au lien qui unit la famille, la classe sociale et la consumérisme (cf. Une histoire de la photographie # 22, Martin Parr, New Brighton, Angleterre, 1983-1985).