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des arts A. Malraux

Nadar, “Autoportrait”, vers 1855

Tirage sur papier salé d’après un négatif sur verre, 20,5 x 17 cm ; The J. Paul Getty Museum, Los Angeles, États-Unis

Nadar, Autoportrait, vers 1855 ; tirage sur papier salé d’après un négatif sur verre, 20,5 x 17 cm ; The J. Paul Getty Museum, Los Angeles, États-Unis

 

Après la vue du Boulevard du Temple, Paris (1838) réalisée par Louis Daguerre [(1787-1851) peintre et photographe français] et le brevetage en 1839, la commercialisation et la diffusion du Daguerréotype, il ne faut pas plus d’un an pour qu’apparaissent les premiers portraits photographiques – qui nécessitent alors une patience considérable de la part des modèles. Heureusement, grâce au développement d’objectifs plus sophistiqués et à la diminution du temps d’exposition, la qualité des portraits s’améliore.

Nadar [Gaspard-Félix Tournachon, dit ~ (1820-1910)] n’est pas un pionnier de la photographie – qui émerge alors comme une évolution technologique plus qu’un art –, mais perfectionne l’art du portrait en parvenant à suggérer le caractère de ses sujets et à se défaire des poses empruntées des premières réalisations. Au XIXe siècle, il est même le meilleur praticien de l’autoportrait : il se photographie de nombreuses fois, arborant les vêtements à la mode de son époque, revêtant diverses apparences ou se détachant sur des toiles de fond variées. En effet, comme les peintres avant eux, les photographes s’illustrent alors dans la réalisation d’autoportraits, définissant les contours du genre avant que le selfie n’en fasse une activité quotidienne. Sa virtuosité se reflète dans toutes ses images.

Mais avant de se consacrer à la photographie au début des années 1850, Nadar, pur produit du romantisme, est, comme il l’écrit lui-même dans son autobiographie : « un vrai casse-cou, un touche-à-tout, mal élevé jusqu’à appeler les choses par leur nom, et les gens aussi ». De fait, avec sa barbe rousse et sa veste écarlate Nadar est un rouge : il est écrivain, journaliste et caricaturiste pour les petites feuilles parisiennes (presse d’opposition florissante sous le règne du roi-bourgeois Louis-Philippe [(1773-1850) dernier roi de France ayant régné de 1830 à 1848]) dans lesquelles il raille le pouvoir en place. Cette presse d’opposition lui sert d’école pour saisir les traits marquants d’une personnalité.

Contrairement aux portraits réalisés par ses contemporains, ceux de Nadar semblent révéler davantage la présence des modèles ; ceux-ci semblent plus impliqués dans la prise de vue, plus enjoués ou en pleine conversation avec le photographe. Il explique lui-même : « la photographie est une découverte merveilleuse dont l’application est à la portée du dernier des imbéciles. Mais ce qui ne s’apprend pas, c’est le sentiment de la lumière. Ce qui s’apprend encore moins, c’est l’intelligence morale de votre sujet. C’est ce tact rapide qui vous met en communion avec le modèle, vous le fait juger et diriger vers ses habitudes, dans ses idées, selon son caractère ».

Cet Autoportrait de 1855 reflète l’art du photographe : la pose est digne. Les cheveux laissent échapper quelques mèches romantiques, tandis que l’expression, à demi dissimulée par une lumière douce se déversant sur lui en plongée et baignant son profil droit dans une obscurité partielle, associe timidité et assurance, sérieux et malice.

Pour la réalisation de ses portraits photographiques, Nadar utilise la lumière naturelle ; mais en bon technophile, il court après les évolutions techniques de son temps et use également de techniques plus récentes, telle que la lumière artificielle (il est le premier à photographier les catacombes).

L’Exposition Universelle de 1900 consacre son succès par une rétrospective de son œuvre ; une célèbre caricature de Honoré Daumier [(1808-1879) graveur, caricaturiste, peintre et graveur français], représentant Nadar photographiant Paris tandis qu’il surplombe la ville en ballon, conclue par son titre : « Nadar élevant la photographie à la hauteur de l’art » (1862).