ville de Douarnenez centre
des arts A. Malraux

Ian Berry, “ Un Dimanche après-midi ensoleillé, Whitby, Angleterre ”, 1974

Épreuve gélatino-argentique

Ian Berry, An English Sunny Afternoon, 1974 ; épreuve gélatino-argentique ; © Ian Berry / Magnum Photos

 

Originaire de Preston, dans le Lancashire, Ian Berry (1934-) s’initie à la photographie en autodidacte à partir de 1952, en Afrique du Sud, où il vit alors. En 1960, il photographie le massacre de Sharpeville (qui compte parmi les nombreux épisodes de répression policière durant l’apartheid, et qui porte le nombre de victimes à 69). Ses clichés sont utilisés au cours des audiences judiciaires et permettent d’acquitter les manifestants ; leur parution choque le monde entier.

En 1978, nourrit par les photographies de Robert Frank (1934-) – dont le livre The Américans (1958) révèle une Amérique des fanges, de la relégation voire du désespoir, remettant en question l’idée selon laquelle son pays adoptif serait un pays sans classe –, Ian Berry immortalise toute une nation dans son ouvrage séminal, The English : en effet, depuis 1974, alors qu’il a reçu l’une des premières bourses accordées à un photographe par le British Art Council, Ian Berry mène une enquête détaillée des différents milieux sociaux britanniques.

An English Sunny Afternoon (1974) constitue l’un des clichés les plus appréciés de l’ouvrage. Il fut réalisé dans le cadre d’un programme médiatique diffusé par la BBC, consacré à Frank Meadow Sutcliffe [Francis Meadow Sutcliffe, dit ~ (1853- 1941) photographe britannique, célèbre pour ses clichés des campagnes et des côtes anglaises, ayant fait de la classe ouvrière son principal sujet, tout en soulignant la dignité de la vie de ces travailleurs], et qui voulait mettre en regard ce pionnier de l’histoire de la photographie avec un photographe contemporain. Aussi, si vous êtes attentifs, vous verrez sur ce cliché le trépied du caméraman de la BBC filmant Ian Berry…

La scène représente un groupe de personnes profitant d’un jour de repos ; elle se passe un dimanche à Whitby, dans le Yorkshire, à un endroit bien connu de tous qui surplombe la petite ville côtière, et où beaucoup montent s’installer pour pique-niquer et se détendre dès lors qu’il fait beau : à gauche, la foule amassée fait écho aux maisons entassées en contre-bas. Au premier plan, un jeune homme allongé savoure la douceur et la chaleur du soleil sur sa peau et à travers ses vêtements en jouant avec un brin d’herbe. À côté de lui, un homme plus âgé, toujours vêtu de sa veste et de sa casquette – déjà passée de mode au moment où le photographe réalise cette image – semble perdu dans ses pensées, le regard tourné vers la ville sans vraiment la voir. Derrière eux, un groupe observe les yachts qui naviguent sur le fleuve.

Aux yeux du photographe, les deux hommes au premier plan représentent deux générations distinctes, et l’étendue sauvage qui les entoure donne du relief à l’image tout en traçant une séparation entre le monde pastoral et le monde urbain.

En photographie, la représentation des classes sociales a d’abord été définie par certaines conventions, bouleversées ensuite par certaines pratiques documentaires : d’un côté les nantis se font photographier en studio, de l’autre, les plus démunis sont photographiés dans la rue, dans leurs occupations quotidiennes. Aujourd’hui, cette « tradition » persiste : d’un côté les magazines et les publicités de mode dépeignent une société riche et glamour, de l’autre, le photojournalisme et les documentaires présentent plus volontiers les modes de vie du commun des mortels – faisant subsister la division de classes (prouvant sa perpétuation ?).