ville de Douarnenez centre
des arts A. Malraux

Elliott Erwitt, “ USA, Californie ”, 1955

Épreuve argentique

Elliott Erwitt, USA, Californie, 1955 ; épreuve argentique

 

Né à Paris dans une famille juive d’origine russe, Elliott Erwitt (1928-2023) déménage à Los Angeles à 10 ans et devient l’assistant d’un photographe durant son service dans l’armée américaine. Il est l’auteur d’une œuvre éclectique, composée de photographies – et de films – à tendance humaniste ; depuis les années 1970, il se consacre à d’étonnantes photographies de chiens.

Fondées sur la notion d’ « instant décisif » popularisée par Henri Cartier-Bresson (1908-2004 ; fer de lance de la photographie humaniste, dont les images apparaissent d’abord dans les magazines avant d’être exposés dans les galeries, comme celles de beaucoup de ses contemporains), les photographies d’Elliott Erwitt captent des moments chargés de valeurs humanistes universelles. Leur atmosphère intime, leur côté ludique, voire ironique, les rendent particulièrement séduisantes après la Seconde Guerre mondiale et indiquent la venue d’une ère nouvellement optimiste.

La tradition humaniste contribue à façonner l’image de l’amour dans la société occidentale. D’innombrables photographes ont cherché à exprimer ce sentiment sous toutes ses formes (des liens familiaux aux amours de jeunesse). Cette photographie d’Elliott Erwitt s’ajoute au célèbre Baiser de l’Hôtel de Ville (vers 1950) de Robert Doisneau (1912-1994) et au Couple d’amoureux… (1932) de Brassaï (1899-1984) : toutes présentent des images idéales de jeunes amours. (Cf. Une histoire de la photographie # 11 : Brassaï, Couple d’amoureux dans un petit café parisien – Place d’Italie, 1932.)

Sur cette image, la scène a tout d’une carte postale : un couple est en train de s’embrasser dans une voiture garée face à une mer plutôt calme et à un soleil couchant. Le couple se reflète dans le rétroviseur de la voiture, point focal de l’image. Leurs vêtements suggèrent une certaine aisance ; la voiture semble être une décapotable (on ne voit pas de toit au-dessus des têtes des protagonistes).

Les années 1950 sont l’ère de l’automobile : dans la société américaine, celle-ci joue un rôle bien plus qu’uniquement fonctionnel, et le voyage est souvent aussi important que la destination ; elle participe même de l’industrie du divertissement, avec l’augmentation des drive-in dans le pays. Le fait que le couple apparaisse dans le rétroviseur souligne la place qu’occupe le véhicule dans leur vie : il paraît aussi naturel dans le paysage américain que le mouvement de la marée ou le coucher du soleil.

À cet idéal amoureux, le cinéma ajoute le glamour, qui représente la beauté, l’érotisme et la sensualité, et décrit des styles de vies auxquels peu peuvent prétendre. Une telle image accentue la différence entre les images conventionnelles de l’amour à l’écran et les réalités de la vie quotidienne.

Notons que la plupart de ces images sont en fait mises en scène. Peu importe. L’essentiel étant qu’elles saisissent l’ « instant décisif », c’est-à-dire l’essence des sentiments et des actions humaines. La photographie humaniste capture la vie quotidienne des gens ordinaires, saisis dans la rue, les cafés ou les bars…