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des arts A. Malraux

Dorothéa Lange, “ Mère migrante ”, 1936

Épreuve gélatino-argentique, 28,3 x 21,8 cm ; Library of Congress, Washington D.C., États-Unis

Dorothéa Lange, Migrant Mother, 1936 ; épreuve gélatino-argentique, 28,3 x 21,8 cm ; Library of Congress, Washington D.C., États-Unis

 

États-Unis. 1929. Lorsque la crise économique frappe le pays, Dorothéa Lange (1895-1965) quitte son studio de San Francisco pour réaliser des photographies remplies de compassion dans lesquelles elle témoigne du sort de la population ouvrière américaine : White Angel Breadline (1933), qui montre un sans-abri faisant la queue pour obtenir du pain, attire l’attention de la Farm Security Administration [(FSA) organisme américain crée par le ministère de l’Agriculture en 1937 pour aider les fermiers les plus pauvres et les plus touchés par la Grande Dépression]. Dans le cadre d’une mission gouvernementale fédérale, elle est invitée à rejoindre le groupe de photographes, mené par Walker Evans (1903-1975), pour documenter les conditions des classes rurales américaines.

Pendant 5 ans, Dorothéa Lange parcourt le pays et photographie les migrants en quête de travail. Ses images et celles de ses collègues sont en complet décalage avec tout ce qui a précédé : si des photographes comme Lewis W. Hine [(1874-1940) sociologue et photographe américain dont les clichés d’enfants au travail ont particulièrement contribué à la sensibilisation du public durant l’ère progressiste] * émettent jusque-là quelques critiques sur la mécanisation croissante de la société, les photographes de la FSA s’orientent vers une forme documentaire encore plus dénonciatrice et nostalgique du passé.

Migrant Mother (Mère migrante) est sans doute l’image la plus célèbre produite par ce groupe. C’est à Nipomo, en Californie, dans un camp de ramasseurs de petits pois et au milieu de milliers d’autres travailleurs migrants rassemblés, que Dorothéa Lange repère Florence Owens Thompson (1903-1983) et sa famille. Elle les immortalise dans une poignée de clichés.

La pauvreté se lit autant dans le décor qui entoure la mère et ses enfants, que sur leurs vêtements : à l’arrière-plan, la tente de toile semble, elle aussi, rapiécée (une couture est visible dans l’angle supérieur droit de l’image). Sur ce cliché, les enfants débraillés se détournent de l’appareil, tandis que l’attention du regardeur se porte sur la figure de madone au centre de l’image. L’expression et la pose de Florence Owens Thompson – les mains des personnages occupent une place centrale dans les œuvres de Dorothéa Lange – expriment l’inquiétude et font d’elle un puissant symbole de la misère économique de l’Amérique des années 1930.

D’ailleurs, on verra comment les photographes socialement engagés qui parcourt l’Amérique dans les années  1930 montrent à quel point la misère peut menacer la vie de famille (cf. Une histoire de la photographie # 13  Walker Evans, Salle de toilette dans la maison des Burroughs, comté de Hale, Alabama, 1936), alors que  d’autres, plus tard, et de manière plus satirique s’intéresse au lien qui unit la famille, la classe sociale et la  consumérisme (cf. Une histoire de la photographie # 22, Martin Parr, New Brighton, Angleterre, 1983-1985).

* cf. Une histoire de la photographie # 6 Lewis W ; Hine, Steamfitter, 1921