ville de Douarnenez centre
des arts A. Malraux

Brassaï, “ Couple d’amoureux dans un petit café parisien – Place d’Italie ”, 1932

Épreuve gélatino-argentique, 28,3 x 22,7 cm ; The MET, The Metropolitan Museum of Art, New York, États-Unis

Brassaï (Gyula Halász dit ~), Couple d’amoureux dans un petit café parisien – Place d’Italie, 1932 ; épreuve gélatino-argentique, 28,3 x 22,7 cm ; The MET, The Metropolitan Museum of Art, New York, États-Unis

 

C’est à partir de 1929, après avoir accompagné le photographe hongrois expatrié André Kertész (1894-1985) en mission, que Brassaï [Gyula Halász dit ~ (1899-1984) photographe hongrois, naturalisé français, également dessinateur, peintre, sculpteur, écrivain] décide de se lancer lui-même dans la photographie. Dans les années 1930, avec ses vues de Paris prises de nuit, Brassaï devient l’un des photographes de rue les plus reconnus de son époque : bien que plusieurs de ses images aient été mises en scène afin d’obtenir les meilleurs effets de contraste, celles-ci reflètent l’esprit de la capitale une fois la nuit tombée.

En effet, dès son arrivée à Paris à l’âge de 25 ans, Brassaï (qui adopte ce nom à la mémoire de Braşov, sa ville natale située en Transylvanie, en Hongrie) est attiré par la vie nocturne de la capitale : au-delà de le rendre célèbre, son projet Paris by night (dont le livre fut édité en 1933) lui permet d’explorer la vie des quartiers les plus huppées de la ville.

Sa photographie la plus célèbre traduit l’ardeur de 2 amants dans un petit café de la place d’Italie. Le photographe semble avoir saisi le couple – sur le point de s’embrasser – de manière impromptu. Toutefois, le cadrage semble trop parfait pour être entièrement dû au hasard : le désir de la femme s’exprime à 2 reprises, grâce au miroir, et la vue est prise en plongée de manière à montrer le regard de l’homme qui se reflète dans un second miroir. La partie supérieure de l’image, plutôt pâle, baignée dans une lumière diffuse qu’estompent les miroirs, contraste avec la partie inférieure, noyée dans l’ombre, où les corps des 2 protagonistes se confondent. Les objets posés sur la table sont nettement cadrés, et leur position permet d’ajouter de la profondeur à l’image tout en dressant une barrière entre les amants et le monde qui les entoure. Bref… la construction est parfaite. Et sa mise en scène induit une certaine complicité entre le photographe et le sujet qui ajoute à la sophistication et au caractère ludique de ces images. Ainsi, comme le disait Brassaï : « le sens de l’art n’est pas l’authentique, mais l’expression de l’authentique ».

Après la Seconde Guerre mondiale, la tradition humaniste contribue à façonner l’image de l’amour dans la société occidentale. D’innombrables photographes ont cherché à exprimer ce sentiment sous toutes ses formes (des liens familiaux aux amours de jeunesse). Parmi les grandes photographies qui illustrent l’amour, beaucoup sont prises dans l’instant, d’autres, ont été mises en scène : c’est le cas du célèbre Baiser de l’Hôtel de Ville (vers 1950) de Robert Doisneau (1912-1994) et de ce Couple d’amoureux dans un petit café parisien – Place d’Italie de Brassaï (1932) qui présentent des images idéales de jeunes amours.

Tout comme les Plongeurs (1930) de George Hoyningen-Huene (1900-1968) cette composition humaniste – qui prétend surprendre les protagonistes à un instant de leur existence mais qui est réellement créée de toute pièce – invite le regardeur à s’interroger sur la réalité de ce qu’il a sous les yeux. Bien que mis en scène, ce Couple d’amoureux… rend compte de la vie de la classe moyenne parisienne des années 1930 ; plus largement, elle renseigne sur le fonctionnement des groupes sociaux, leurs activités et leurs rituels, et permet de mieux comprendre les caractéristiques d’une société donnée.